Des sociétés en mouvement
Évolution des sociétés magdaléniennes et aziliennes des Alpes du nord françaises
Les civilisations émergent, disparaissent et d’autres leur succèdent : il en est de même pour les grandes cultures européennes de la fin du Paléolithique. Dans un contexte de bouleversement global des écosystèmes, l’apparition et le développement de l’Azilien marquent une rupture progressive mais importante, voire irréversible, avec l’ensemble des traditions qui précèdent. Dans certaines régions, ce sont des pans entiers du bagage technique qui disparaissent pour ne plus réapparaître. C’est une véritable révolution qui balaye l’Europe magdalénienne et ses épigones septentrionaux. À travers l’analyse technologique des productions lithiques, cet ouvrage s’interroge sur la façon dont les phénomènes culturels s’ajustent à des contextes géographiques et environnementaux contrastés. Il s’intéresse plus particulièrement à l’évolution des sociétés magdaléniennes et aziliennes et aux transformations des industries lithiques, ainsi qu’à la signification paléohistorique de ces changements. Les séquences tardiglaciaires de l’abri de La Fru (Saint-Christophe-la-Grotte, Savoie) constituent un corpus de choix pour mener une réflexion de cet ordre. Cette étude, qui intègre les aspects technologiques, typologiques et économiques des industries lithiques, confronte les résultats obtenus sur une douzaine d’ensembles archéologiques à ceux des ensembles actuellement les mieux documentés des régions limitrophes. Cela permet, notamment, de mettre en évidence une phase pionnière dans la reconquête magdalénienne des Alpes du nord, qui a été suivie d’une seconde vague de peuplement aboutissant à une stabilisation de l’occupation. C’est l’un des rares modèles publiés de recolonisation de territoire pour le Paléolithique, hormis quelques études américaines et britanniques. Nous proposons aussi un scénario relatant l’apparition de l’Azilien dans les Alpes. Cette azilianisation est ainsi perçue comme un phénomène d’adoption allochtone, et non comme l’adaptation locale des groupes magdaléniens régionaux aux changements environnementaux. En sus de renouveler considérablement nos connaissances sur les sociétés tardiglaciaires des Alpes du nord françaises, secteur encore méconnu malgré son indéniable potentiel documentaire, cette étude permet de s’interroger sur les conditions d’apparition des innovations qui marquent les sociétés magdaléniennes, puis aziliennes, entre 14 000 et 11 000 ans avant le présent, et, plus généralement, de leur périodisation dans une perspective diachronique.