Prix de thèse 2016
Le comité éditorial de la Maison Archéologie & Ethnologie, René-Ginouvès a décerné, lundi 17 octobre 2016, le prix de thèse 2016 de la MAE à Valérie Vandenabeele, pour sa thèse intitulée Les nouveaux horizons des Tibétains de Pudacuo. Politique, conservation et globalisation dans le premier parc national de Chine (Shangri-La, Yunnan)
Sous la direction de Brigitte Baptandier, soutenue le 17 décembre 2014, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, LESC UMR 7186,École doctorale 395 « Milieux, cultures et sociétés du passé et du présent », Université Paris Nanterre.
Le comité éditorial a souligné l’excellence et l’originalité de la thèse de Valérie Vandenabeele. Cette thèse, dont l’objet est l’intégration de populations tibétaines locales dans le projet d’un « parc national » chinois, prend place parmi les travaux qui étudient les dynamiques complexes sur les interfaces entre le monde tibétain et l’État chinois. Au-delà de l’ethnographie déployée, la thèse propose un questionnement anthropologique passionnant sur la question du changement social (à travers l’adhésion des Tibétains locaux au changement social impulsé par le parc national), comme sur celle de la population minoritaire (la distinction de différentes sortes de Tibétains, le rôle des représentations occidentales sur les Tibétains, dont l’imagerie de Shangri-La) ou sur le souci de l’environnement.
La thèse de Valérie Vandenabeele sera publiée dans la collection « Sociétés humaines dans l’histoire » coéditée par les Éditions de la MAE et les Presses universitaires de Paris Nanterre. Valérie Vandenabeele a également reçu le 21 février 2017, le prix de thèse du GIS Asie 2016.
Résumé
Dans le nord-ouest du Yunnan, la préfecture autonome tibétaine de Diqing est le lieu de définition d’une identité tibétaine consensuelle et attrayante, par laquelle les autorités politiques prêtent aux populations locales un souci pour l’environnement naturel. Les représentations qu’elles véhiculent font écho et mobilisent les représentations occidentales sur les Tibétains, dont l’imagerie de Shangri-La et l’identification du bouddhisme tibétain à l’écologie. Depuis 2006, cela est mis en scène dans le parc national de Pudacuo, qui est le premier parc national de Chine. Bien qu’élaboré avec le concours d’une organisation non gouvernementale conservationniste états-unienne, ce lieu a en fait peu à voir avec la protection de l’environnement naturel et vise le tourisme de masse. La voie alternative de développement qu’il propose aux agriculteurs éleveurs locaux est bien accueillie puisqu’elle les ouvre sur de nouveaux horizons, dont la possession d’une culture au goût du jour, l’accès à la société de consommation et l’ouverture sur le monde extérieur.
Le comité éditorial a par ailleurs décidé d’attribuer, à titre exceptionnel, et en raison de la haute valeur scientifique de son ouvrage, un prix spécial du jury à Agnès Giard pour sa thèse intitulée Humanité désirée, humanité simulée. Etude de l’effet de présence dans les objets anthropomorphiques au Japon
Sous la direction de Laurence Caillet, soutenue le 29 juin 2015, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, LESC UMR 7186, École doctorale 395 « Milieux, cultures et sociétés du passé et du présent », Université Paris Nanterre
La thèse d’Agnès Giard est la première thèse d’anthropologie consacrée au phénomène des love dolls au Japon. Sur ce sujet particulier, elle fait montre, outre d’une écriture précise et maîtrisée, de qualités d’observation et d’analyse magistrales sur la problématique des frontières de « l’humain » et du désir, et enrichit considérablement l’anthropologie des « non humains ». La thèse d’Agnès Giard a été publiée, en août 2016, aux Editions Les Belles Lettres sous le titre : Un désir d’humain. Les « love dolls » au Japon.
Résumé
Une dizaine de compagnies s’efforcent actuellement au Japon d’améliorer le réalisme d’ersatz humains commercialisés comme poupées sexuelles sous le nom de love doll. L’enquête, principalement menée au sein de la firme Orient Industrie – leader sur le marché des reproductions de corps féminins – porte sur le travail de recherche mené par les designers, les ingénieurs et les commerciaux pour donner aux poupées, sur le plan technique, esthétique et marketing, l’apparence d’êtres conscients, dotés d’une vie intérieure. Quels procédés mettent-ils en oeuvre pour créer un « effet de présence » ? En évitant de reproduire l’humain à l’identique, ils élaborent une créature imaginaire qui questionne ce qu’est l’humain, au-delà de la forme. Cette créature, dont la fonction première est de susciter le désir, s’offre paradoxalement comme une sorte de véhicule vacant, absent, en attente, qui simule l’humain en s’en faisant le miroir… renvoyant ses créateurs, ses utilisateurs et peut-être aussi la société tout entière à la problématique de la personne comme réceptacle. La thèse se compose de trois parties qui abordent la love doll sous ses aspects principaux : en tant que « substitut » (migawari), en tant que « miroir » (kagami), en tant que « double » (bunshin). Ces trois termes sont, dans l’ordre, les plus souvent évoqués par ses créateurs autant que par ses utilisateurs. Ils correspondent à trois discours qui contribuent à faire de la love doll le produit d’un travail collectif et interactif visant, sous couvert de jeu, à construire la notion même d’humain.