La Maison Archéologie et Ethnologie
Le projet d‘une Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie
Un même lieu
A la fin des années 1970, dans la jeune université de Paris X – Nanterre, se développaient les pôles de recherche. Eric de Dampierre constituait un département d’ethnologie, et René Ginouvès rassemblait des équipes d’archéologues intéressés par la méthodologie. Ils ont été rejoints par d’autres équipes d’archéologie du CNRS, des Universités de Paris I et de Paris X, qui étaient dispersées dans des locaux inadaptés. La Maison a été créée par une convention au 1er janvier 1996.
La richesse des approches
L’originalité du projet tient à la réunion dans un même ensemble de préhistoriens et de protohistoriens, de spécialistes du Proche et du Moyen-Orient ancien, d’archéologues de l’Antiquité classique et du haut Moyen Âge, de spécialistes des autres sciences de l’Antiquité ainsi que d’ethnologues travaillant aussi bien en Asie ou en Afrique qu’en Amérique latine ou en Europe.
La Maison René Ginouvès, la pose de la première pierre
L’inauguration par les tutelles
Le vendredi 18 novembre 1994, sur le terrain de la future maison, s’est tenue la cérémonie officielle de la pose de la première pierre, sous l’égite d’Yves Jégouzo (Président de l’Université de Paris I – Panthéon Sorbonne), Michel Imberty (Président de l’Université de Paris X – Nanterre) et Guy Aubert (Directeur Général du CNRS)
Des marqueurs dans la pierre
Une monnaie, une tablette cunéiforme « moderne » de fondation et le porte-clé commémorant l’inauguration de la Maison ont été glissés dans la « pierre », clin d’oeil des archéologues à leurs collègues du futur.
La Maison René Ginouvès, sa réalisation
Le bâtiment
Construit par l’atelier J. Lévy, entre 1994 et 1996, sur le terrain de l’université de Paris X-Nanterre, le bâtiment compte 7000 m2 répartis sur 6 niveaux où se répartissent des bureaux pour les chercheurs, des laboratoires, des salles de réunion et de cours, mais aussi deux bibliothèques. Le projet de la Maison devait résoudre les problèmes de locaux des laboratoires, leur donner des moyens de travail « lourds » (informatique, réseaux, bibliothèques) et réunir des chercheurs pour que se produisent, selon la formule de R. Ginouvès, « des éclairs de nouveautés ».
L’action de René Ginouvès
R. Ginouvès a disparu quelques jours avant la cérémonie pour la pose de la première pierre de la Maison. Il n’aura pas vu son projet aboutir : quinze années d’efforts renouvelés ont été nécessaires. Il avait toutefois rédigé le discours d’inauguration de la Maison où il a résumé les grandes lignes de ce parcours. Aujourd’hui, le bâtiment porte son nom. Cinq laboratoires, deux bibliothèques, des services communs, des revues et trois DEA sont installés. En France, plus d’une dizaine de maisons de recherche existent et d’autres sont en projet.
La Maison René Ginouvès, discours pour la pose de la première pierre, écrit par René Ginouvès avant sa disparition
Mesdames, Messieurs,
C’est pour moi un grand honneur que d’avoir à vous présenter la Maison de l’archéologie et de l’ethnographie, dont nous fêtons aujourd’hui, symboliquement, le début de la construction. Elle recevra une vingtaine de laboratoires du CNRS et des Universités de Paris I et Paris X tournés vers l’archéologie, depuis la Préhistoire jusqu’au Haut Moyen Age, et à l’Ethnologie, sur pratiquement toutes les parties du globe. La justification d’une telle entreprise est évidente pour tous ceux qui connaissent la situation actuelle de bien des laboratoires à Paris : qui n’a vu, au troisième étage de l’Institut d’Art de la rue Michelet, les couloirs encombrés de photocopieuses et d’armoires, les vestibules où déambulent les professeurs avec leurs étudiants, parce qu’il ne reste plus une chaise libre dans leur local ; la dispersion des laboratoires, l’éclatement, parfois, d’un même laboratoire en plusieurs localisations entraînent des désordres considérables : que dire des chercheurs, des ITA qui en sont réduits à travailler chez eux, je veux dire dans leur propre appartement, où ils apportent le matériel payé par l’Etat, les documents, les photographies, qui appartiennent à la collectivité ? Une telle situation paraît difficilement acceptable, et notre nouvelle maison devrait au moins permettre de donner, à un certain nombre de laboratoires, des conditions de travail normales.
Mais l’opération ne se réduit pas à un simple relogement. Le rassemblement, dans un même bâtiment, d’un grand nombre de laboratoires et de chercheurs, va permettre de leur donner les moyens de travail lourds dont sans cela ils n’auraient pu que rêver, – pour la reprographie, pour l’informatique (et je voudrais signaler ici que notre Maison sera, comme on dit, « intelligente », c’est-à-dire que chaque bureau sera relié au réseau informatique, et par là aux banques de données et d’images de nos laboratoires que prendra notre bibliothèque, en fait une bibliothèque double, pour l’archéologie et pour l’ethnologie, qui devrait constituer un instrument de travail majeur, pour le moment absent de la région parisienne).
Cet accroissement des moyens techniques accordés aux équipes de notre Maison ne constitue pas d’ailleurs le dernier avantage de l’opération. Il me semble que le grand nombre des chercheurs réunis dans la maison, plus de 300 chercheurs statutaires, va atteindre ce que les physiciens de l’atome appellent une « masse critique », c’est-à-dire un ensemble où se produisent de nouveaux ordres de phénomènes : il peut s’agir, éventuellement, de frottements, de frictions, de heurts; il peut s’agir, certainement, d’une grande production de chaleur; mais j’espère que se produiront aussi ces éclairs de nouveauté, qui doivent éclater dans une telle conjonction de spécialistes et de spécialités; je suis persuadé que des perspectives nouvelles, et novatrices, vont s’y ouvrir.
Voici, brièvement résumés, les avantages qu’on peut raisonnablement attendre de notre Maison. Certains ont pu se demander quelles raisons avaient fait choisir, pour son implantation, le campus de Nanterre. La première raison, c’est que ce campus, grâce a une sage politique, dispose encore d’espaces libres, alors qu’on voit mal comment on aurait pu trouver dans le Paris intra muros une surface au sol d’environ 1600 m2, permettant de bâtir près de 8000 m2 de surface utile. Or, ce site est bien relié, non seulement avec le Paris du centre avec ses bibliothèques et ses musées, mais aussi avec un musée comme celui de Saint-Germain dont les collections sont pour nous d’une importance réelle. Autre raison, qui a contribué d’une manière décisive à faire préférer notre site à d’autres qui avaient été envisagés: c’est que notre Maison sera au cœur d’une Université de qualité, et d’une Université en expansion, hélas, allais-je dire en songeant aux problèmes que pose un afflux d’étudiants toujours grandissant. Mais on sent bien maintenant que les centres de recherche ne peuvent être coupés des centres d’enseignement, comme le montrent a contrario des exemples bien connus : ce sont les étudiants avancés qui permettent de tester les résultats de la recherche, ce sont eux qui forment le vivier dont sortiront les futurs chercheurs. De fait, notre maison abritera, dès son ouverture, trois écoles doctorales, en tout plus d’une centaine de doctorants. Et enfin, pour justifier le choix du campus de Nanterre, on peut opposer, aux tenants nostalgiques des vieux quartiers, la dynamique de notre environnement, cette Défense sur laquelle veille l’EPAD, dont le développement a certes subi des retards, mais qui reprend sa vigueur, et qui représente un poids économique et financier, auquel doit faire équilibre le poids de nos institutions universitaires : pour qui regarde l’avenir, ce qui n’est pas interdit même aux archéologues et aux ethnologues, notre implantation dans cet environnement est porteur de vraies promesses.
Et enfin, on ne sait pas assez que, dans nos espaces verts, dans nos arbres encore beaux malgré l’arrivée de l’hiver, nichent des quantités d’oiseaux, de variétés parfois étranges : la liste officielle, publiée dans le fascicule pour les 25 ans du campus, donne les noms de la mouette rieuse, l’étourneau sansonnet, la pie bavarde et le bruant zizi. Eh bien, je souhaite que ces oiseaux viennent s’installer sur notre Maison, mais je souhaite surtout que s’y retrouvent, venant de tous les coins de l’horizon, ces grands vols d’oiseaux sauvages, les libres envolées de l’esprit.