Édition sans éditeurs, articles sans auteurs : entre revues prédatrices et textes générés
Cycle « Questions d’édition, questions de société »
Le pôle éditorial de la MSH Mondes organise la deuxième séance de son cycle « Questions d’édition, questions de société » sur le thème « Édition sans éditeurs, articles sans auteurs : entre revues prédatrices et textes générés ». Ces ateliers trimestriels cherchent à interroger l’édition et la diffusion scientifiques en ouvrant une réflexion plus large sur leurs enjeux sociaux.
Les interventions de Chérifa Boukacem-Zeghmouri, professeure en sciences de l’information et de la communication, université Lyon 1, chargée de mission Science ouverte, membre du laboratoire Elico et Cyril Labbé, maître de conférences en informatique, université Grenoble Alpes, membre du laboratoire d’informatique de Grenoble, équipe Sigma, seront suivies d’un temps d’échange avec la salle.
Présentation de la séance
Ces dernières décennies, le paysage scientifique mondial a été doublement transformé : côté diffusion, avec la généralisation des publications numériques, l’accroissement de l’open access et l’internationalisation de plus en plus marquée du paysage éditorial ; côté institution, avec une injonction à publier de plus en plus vite, le développement massif des indicateurs bibliométriques et une volonté de renouveler les critères de l’évaluation (déclaration de San Francisco, appel de Paris).
C’est dans ce nouveau paysage, qui s’apparente parfois à un « Far West », qu’ont prospéré les revues dites « prédatrices ». On estime leur nombre à près de 13 000 dans le monde aujourd’hui, contre 1 800 en 2010. Mais encore faudrait-il les définir et en montrer la diversité, en abordant le phénomène dans toute sa complexité sociologique, économique et même géopolitique. Pour l’essentiel, ces revues ne pratiquent pas l’évaluation et ont pour seule finalité le profit, usant souvent de techniques agressives de « recrutement » : mailings de masse, avec des promesses de publication en moins de 48 heures en open access, noms de revues prestigieux et tarifs relativement modiques sur le modèle auteur-payeur. Le monde scientifique n’est pas épargné par les escroqueries et mauvaises pratiques qui parcourent le monde numérique : spam, scams, etc.
On trouve une autre illustration de cette crise de l’évaluation avec les articles automatiquement générés : les progrès informatiques ont permis à des programmes de rédiger « seuls » des textes. Ceux-ci peuvent être des synthèses, mais aussi des articles parfaitement corrects du point de vue de la forme et de la structure grammaticale, mais dépourvus de sens. Ces faux textes peuvent alors se trouver publiés dans des actes de colloque, dans des revues (prédatrices ou non), et l’enjeu de leur détection est essentiel dans la mesure où ils altèrent la qualité scientifique des publications. Plus encore, ils permettent de falsifier l’évaluation de la recherche : un faux auteur, Ike Antkare, a ainsi pu devenir en 2010 l’un des scientifiques les plus cités au monde, du moins d’après Google Scholar, en ne publiant que des articles automatiquement générés se citant les uns les autres.
Qu’il s’agisse d’articles publiés dans des revues médicales ou en SHS, cette absence d’évaluation pose des risques éthiques et représente un réel danger pour la qualité du débat public. Ces pratiques doivent donc nous inciter à réfléchir à ce qu’est l’édition scientifique, à ce que devrait être la diffusion des résultats de recherche et à l’importance de l’évaluation.
Modalités pratiques
En présentiel à l’université Paris Nanterre ou en visioconférence.
Pour des raisons d’organisation, merci de nous contacter si vous souhaitez assister à la rencontre en nous indiquant si vous participerez sur place ou à distance.